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Le projet COMMUNES

Grâce à l’association de plusieurs laboratoires (voir ci-dessous) et au soutien financier accordé par l’Agence Nationale de Recherche (ANR), nous sommes engagés dans la réalisation d’une infrastructure géospatiale qui, à terme, nous permettra de reconstituer le maillage administratif de la France métropolitaine et le réseau multimodal des transports du XVIIIe siècle à nos jours.

Les limites des 41 000 communes métropolitaines, existant ou ayant existé depuis 1790, seront cartographiées dans un Système d’Information Géographique (SIG), pour permettre une reconstitution, année par année, de l’emprise territoriale des différentes circonscriptions administratives, de la commune à la région. Ce maillage communal sera complété par la reconstitution cartographique des voies routière, fluviale et ferroviaire pour l’ensemble de la période. Ce réseau multimodal sera interconnecté et structuré dans une base de données géohistorique, afin de caractériser les vitesses de circulation.

À terme, cet outil permettra de relier données démographiques, socio-économiques, environnementales, culturelles, etc. à des unités spatiales fines, à travers le temps et à des paramètres d’accessibilité. Il permettra surtout d’analyser leurs interactions, renouvelant totalement les questions de recherche en sciences humaines et sociales. Des SIG-historiques au niveau municipal existent dans quelques pays européens, mais manque encore à la France. De ce fait, les études historiques s’appuient sur une présentation de l’espace français très (trop) contemporaine.

Créer un SIG-historique des communes françaises pour

    • Éviter les biais des études basées sur les limites communales actuelles (l’année de référence étant généralement 1999). Car, tenter d’ajuster les données historiques aux frontières modernes introduit des biais importants, qui ne peuvent ni être corrigés, ni même rigoureusement estimés.
    • Offrir le niveau de précision le plus fin pour de nouvelles analyses quantitatives, fondées sur des sources historiques adossées aux unités administratives du moment. L’analyse de recensements, d’enquêtes industrielles et agricoles, de données d’état civil requiert un niveau de résolution communal.

Comment créer ce SIG-H ?

La méthode proposée s’appuie sur le savoir-faire développé par le Cambridge Group for the History of Population and Social Structure (CAMPOP, Université de Cambridge) qui a réalisé le SIG-H anglais et gallois de 1851 et sur le travail pionnier de Claude Motte, Isabelle Séguy et Christine Théré qui ont recensé, dans une base de données qui est à la source du site Cassini, tous les changements ayant affecté les circonscriptions territoriales de 1801 à 2001.

Pour reconstruire efficacement et avec précision les limites administratives historiques des communes, nous utilisons une combinaison de documents :

  • cartes du Service géographique de l’Armée (SGA)
  • cartes d’État-Major de l’Institut géographique national et forestière (IGN),
  • cadastres napoléoniens
  • levés topographiques
  • et autres documents textuels et cartographiques, systématiquement collectés dans les services d’archives départementales et municipales.

Nous utilisons les versions 2008 et 2019 de la BDTOPO comme couche de base continue à afficher dans ArcGIS/QGIS, et pour géoréférencer les scans et les photographies des cartes des limites des communes historiques.

La plupart des modifications communales peuvent être traitées simplement en éditant la BDTOPO de l’IGN. Pour les communes disparues, retracer leurs limites ne pose vraiment un problème que pour les changements survenus avant 1850. Nous utiliserons alors la documentation cartographique et les dossiers d’enquête collectés dans les archives départementales et communales.

Cette collecte permet aussi de réaliser le premier inventaire systématique de toutes les communes françaises et de leurs modifications territoriales au cours de leur première décennie d’existence, dans la période critique 1790-1801.

Associer un système multimodal de transport pour pouvoir

    • Analyser les évolutions et les mutations socio-économiques et démographiques qui se sont produites sur le territoire national, au cours de ces deux siècles et demi, de façon dynamique, en incluant les effets que les changements d’infrastructure, de vitesse et d’accessibilité peuvent entraîner sur la structuration des territoires et la distribution spatiale de la population.
    • Introduire des variables de représentation des aires économiques, en fonction des coûts de transport de différents produits intermédiaires et de biens de consommation, et de la disponibilité de ressources primaires (agricoles, minérales), produites ou importées.

Comment créer un système multimodal de transport connecté au niveau communal ?

Depuis le XVIIIème siècle, une révolution des déplacements résulte d’une double dynamique : une diffusion des réseaux de transports dans l’espace et une accélération des vitesses par les progrès techniques. De nouveaux moyens de transport sont apparus, sans forcément entraîner la disparition des réseaux existants, créant une concurrence et une complémentarité qui doivent être intégrées à l’analyse des mutations socio-économiques et démographiques des territoires. Une approche multimodale des réseaux de transport est nécessaire : les facilités d’accès aux réseaux et les coûts d’utilisation associés sont en effet très différents selon les modes et selon les époques.

Pour répondre à ces enjeux, la méthodologie s’appuie sur l’expérience précédemment acquise sur la reconstitution du réseau ferré français. Ce travail, financé par l’ANR Corpus et le US-NEH, avait permis de cartographier les dates d’ouverture et fermeture des 50000 kilomètres de voies ferrées sur la France Métropolitaine entre 1830 et 2010. Cette expérience sera mise à profit pour retracer les voies navigables sur la base de cartes, de sites web (projet Babel), de sources de référence (Lalande, Grangez, Geiger, Lesueur, Merger…) et d’archives départementales. Les bases de données BDTOPO et TOPAGE de l’IGN serviront de support pour retracer l’évolution des aménagements selon la méthode de rétropolation en partant de 2020 pour arriver à 1700.

La reconstitution des routes sera effectuée sur la base des cartes de Cassini pour le XVIIIe siècle, des Cartes d’État Major de l’IGN pour la période XIX-XXe et d’autres documents textuels et cartographiques issus d’archives (nationales, départementales et municipales). La BDTOPO sera également utilisée pour bâtir cette source géohistorique. La constitution d’une telle base de données étant très coûteuse en temps, nous souhaitons nous appuyer sur l’apport des SIG collaboratifs. Le logiciel ArcGIS Online sera mobilisé dans le cadre d’un Mapathon spécialement organisé pour la saisie du réseau routier. Ce travail de collecte sera ensuite validé par les ingénieurs et chercheurs du projet, afin de vérifier la cohérence temporelle géométrique du réseau.

Après avoir retracé les trois modes de transport, l’étape suivante sera consacrée à la mise en intermodalité des réseaux. La théorie des graphes sera mobilisée en utilisant des connecteurs entre les différents réseaux. Les vitesses de déplacement feront l’objet d’une estimation fondée sur les évolutions technologiques relevées dans la littérature. Sur cette base, des calculs de temps de parcours pourront être évalués pour chaque décennie entre 1700 et 2020. Des cartes d’accessibilité permettent ainsi rendre compte de l’incroyable évolution des vitesses sur le temps long. Ces mesures seront également mises à profit pour étudier des relations de causalité selon les évolutions démographiques, agricoles et économiques issues de la base de données communales.

Équipe et partenariats

Ce projet est mené par des chercheurs de :

  • Institut national d’études démographiques (Ined),
  • Cambridge Group for the History of Population and Social Structure (CAMPOP, Université de Cambridge),
  • Laboratoire ThéMA et la MSH de Dijon (université de Bourgogne-Franche-Comté)
  • Laboratoire MRTE de CY Cergy Paris Université.

Il bénéficie en outre de l’implication très forte de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et de la société de généalogie Généanet, ainsi que de la participation du Service Interministériel des Archives de France (SIAF), des Archives nationales et des services départementaux d’archives.

Calendrier de réalisation

Ce projet a débuté en 2020, avec un financement sur 3 ans.

Son terme est prévu à l’horizon 2023 ; douze mois plus tard l’ensemble des couches produites seront mises à disposition de la communauté scientifique, de même que toute la documentation ayant servi à les produire et les documenter.

Circonscriptions administratives, Populations, Transports et Économie